Contexte
Malgré ce qu’en dit la presse locale du 5 Août 1944, les américains ne sont pas stoppés en Normandie, au contraire, la 6ème Division blindée américaine fonce sur Brest. Les troupes allemandes le savent et sont donc sur la défensive. Plusieurs de leur unités situés dans des communes non stratégiques se sont déjà repliées. La commune de Gouesnou est comprise dans la première ligne de défense de Brest, au même titre que Guipavas, Guilers, Bohars. Le 6 Août 1944, les américains sont à Lesneven et Ploudaniel, à moins de vingt kilomètres de la ligne défensive allemande. Des chars américains sont même repérés à Plabennec. Il faut également ajouter que Brest s’est vidé de sa population au fur et à mesure de l’avance américaine et de l’imminence des combats. De nombreux réfugiés se trouvent donc à Gouesnou en cette période.
Parachutistes S.A.S
Dans le cadre de la mission Derry, depuis le 5 Août 1944, des parachutistes du 3° S.A.S, stick Gourkow (n°4), stationnaient à Bourg-Blanc à deux kilomètres de Gouesnou. Leur rôle est de monter des embuscades pour harceler l’ennemi en prévision de l’arrivée des américains. Philippe Fredour, chef de groupe FFI de Gouesnou est en relation avec eux. Entre le 5 et le 7 Août des SAS et FFI effectuent plusieurs actions dans le secteur de Gouesnou:
Un groupe de S.A.S sous les ordres du Lieutenant Rosset (n°7), effectue des actes de sabotages sur le secteur de Plabennec vers Brest. De plus, avec l’appui d’un groupe FFI de Gouesnou, ils sabotent la voie ferrée où un train chargé de matériels de DCA et munitions déraille au pont du Moulin vieux en Gouesnou.
A Kerlin et sur la côte 92 des véhicules allemands sont pris à parti par des FFI et S.A.S. Total, 8 allemands sont tués, 4 blessés et 3 prisonniers.
Deux blokhaus sont attaqués, toujours par les groupements S.A.S FFI, l’un au niveau de [lieu-dit indéchiffrable] à Gouesnou. 15 Prisonniers sont fait. L’autre bunker est situé à Kerdalen vers l’Aéroport de Guipas, 11 hommes dont un adjudant ont été capturés. L’ennemi a tué deux S.A.S lors de ces attaques.
Liste des S.A.S du stick n°4
- Sous-lieutenant Maurice GOURKOW
- BASTARD André
- CHETCUTI Pierre
- DURAND Paul
- FOUILLET Paul
- PAULI Pierre
- ROGER Georges
- ROTENSTEIN Lucien
Positions allemandes
Les allemands de la 3e brigade Marine Antiaérienne installent des observateurs sur le point culminant de leur défense; le clocher de l’église de Gouesnou. Le point fort de la défense du secteur est la batterie anti-aérienne lourde de Roc’h Glas et l’aéroport de Guipavas.
Le 7 Août 1944
Vers 8h Philippe Fredour prévient les S.A.S de la mise en place d’observateurs dans le clocher de l’église de Gouesnou. Le Maire de Gouesnou accompagne semblerait-il Philippe Fredour. Les S.A.S refusent d’intervenir et de bouger trop tôt. A 9h30, une auto de la Croix-Rouge Française annonce l’arrivée imminente des américains. Les habitants s’apprêtent à pavoiser, tout le monde est enthousiaste. Quelques heures plus tard, Philippe Fredour revient à la charge et convainc les S.A.S d’intervenir. Vers 13h30, les observateurs allemands, installés dans le clocher de l’église, sont pris à parti par les FFI locaux et le groupe de S.A.S. Un allemand est semblerait-il tué et deux autres blessés lors de l’attaque. Mais l’assaut échoue et les allemands résistent avec des grenades. Les assaillants tentent de les déloger de l’intérieur mais en vain. Les observateurs parviennent à demander du renfort qui ne tardent pas à arriver depuis l’aéroport et la batterie de Roc’h Glas. L’attaque est repoussée et les assaillants battent en retraite. Dans l’action de repli, deux parachutistes S.A.S sont abattus, Lucien Rotenstein et Georges Roger. Un civil est également tué, le Docteur Beaudet de Brest.
Sur le trajet de retour, les S.A.S attaquent un convoi allemand sur la route Gouesnou – Saint Renan et libèrent une vingtaine de soldats Français d’origine Nord-Africaine. Il laisse un mort allemand sur la route et récupèrent les armes. Les S.A.S retournent à leur base tandis que les Nord-Africains prennent la route de Brest en longeant la voie de chemin de fer départemental. Ils sont refaits prisonniers au niveau de Kergroas. Sont-ils passé par Penguerec et ont-ils attaqués le poste de projecteur DCA de Penguerec ? Les évènements qui s’ensuivent le laisse présager. Sur le trajet, les renforts commettent des atrocités. Des motos provenant de l’aéroport lâchent une grenade sans s’arrêter sur une ferme à Kéralenoc. Par chance, la famille qui y réside s’est cachée dans un abri voisin car ils trouvaient anormale l’agitation des allemands. A Penguerec, des troupes arrivants de Lambézellec (Roc’h Glas) exécutent les époux Phelep et deux de leurs enfants. Les deux fermes des Phelep et Simon sont incendiés (photo en tête de page). Les militaires allemands qui commirent cette barbarie avaient un uniforme vert avec un écusson portait une ancre de marine de couleur jaune. Le responsable du détachement allemand serait l’Oberleutnant zur See Muller de la 9° Flottille. Une autre source, Alain Floch, évoque plutôt la 1° Flottille et l’Oberleutnant List comme responsable. Il se base sur un communiqué de la 1° Flottille qui parle de Prise d’assaut d’un village de terroriste. Le lieutenant List recevra, avec d’autres soldats de son groupe la Croix de Fer pour cet acte. Le lieutenant List sera fait prisonnier dans la poche du Conquet ultérieurement.
Témoignage d’Yvette Phelep, 19 ans, Institutrice à Guipavas:
Vers 16 h je me trouvais avec mes parents à proximité d’un abri situé à coté de notre ferme au lieu-dit Penguerec en Gouesnou lorsque des militaires allemands que je ne connaissais pas s’approchèrent de nous et lancèrent des grenades au hasard sur notre maison et les divers bâtiments de la ferme. Mon père, ma mère, mon frère et l’une de mes sœurs qui se trouvaient à mes cotés furent atteints par les éclats et blessés grièvement puisqu’ils ne devaient pas survivre à leurs blessures. Moins atteint cependant, mon père réussit à s’enfuir à travers champs. Un sergent allemand le rejoignit bientôt et l’abattit à l’aide d’une grenade. Constatant que cette fois mon père était bien mort, ce militaire lui mit une grenade dans la poche. J’ignore pour quelle raison tous les Allemands qui se rendirent coupables de ces faits étaient complètement furieux. Dans l’après-midi de ce jour, avant de tuer mes parents, les Allemands avaient arrêté un Algérien qui se sauvait à travers champs et l’ont laissé en garde à mon père.
Voilà un autre témoignage, de Charles Kerboul, 48 ans, ouvrier de l’arsenal à Brest. Il est réfugié chez son beau-frère de la ferme Simon:
Un camion rempli de soldats allemands venant de Lambézellec. Arrivé à la hauteur de la ferme de Phelep le camion a stoppé et les soldats en sont descendus. Quelques instants plus tard ils ont tué un sujet algérien qui était prisonnier depuis le matin et laissé là. Ces soldats mirent ensuite le feu. Mes deux filles se trouvaient chez M. Phelep. Les Allemands se mirent à lancer des grenades sur la ferme. Ma fille Marie fut tuée sur le coup tandis que la petite Yvette âgée de 12 ans était gravement blessée. Elle put néanmoins malgré ses souffrances se traîner jusqu’à l’endroit ou je me trouvais. Je la pris aussitôt dans mes bras pour la transporter jusqu’à la maison mais un allemand en arme m’ordonna d’abandonner ma fille sur le champ. Malgré ses menaces je n’ai pas exécuté ses ordres et ai continué mon chemin. D’autres soldats se trouvaient à proximité et pendant que cette scène se déroulait, l’un d’eux se détacha du groupe en intervenant en ma faveur. Il me donna des pansements et m’aida a prodiguer les premiers soins à ma fille. Un peu plus tard, sur ordre des allemands, j’étais contraint de me rendre avec ma famille et deux des enfants Phelep dans un champ à proximité. Il nous fut donné l’ordre de nous allonger tous à terre le long d’un talus et de rester dans cette position jusqu’à 20h
Mais revenons au bourg de Gouesnou où après l’attaque s’ensuit une fouille par les allemands. Tous les civils qui étaient présents sont rassemblés sous le porche de l’église, à l’entrée du cimetière. Tous les habitants sont cloîtré chez eux, Sébastien Le Ven se risque à regarder par la fenêtre, il est abattu d’une balle dans la tête. Le maire fait passer le mot qu’il y a des arrestations. Une dame arrive à Keralenoc en criant qu’il faut fuir sur ordre du Maire. Vers 16h lorsque la fouille fut terminée, les femmes et les enfants sont laissés sur place. Les hommes sont conduits bras levés vers le village de Penguerec par une dizaine de soldats allemands. Sur le trajet, au lieu-dit Le Moulin Neuf sept autres prisonniers sont pris en charge par les allemands.
Yves Lamour, 69 ans, Maire de Gouesnou:
Resté seul au milieu de la place de Gouesnou et pressentant qu’un malheur allait arriver je priais mes concitoyens restés à leur fenêtre par curiosité de se retirer et de fermer leurs portes, tandis que moi-même je m’abritais dans une maison voisine (…) Il n’y eut aucun témoin oculaire de l’exécution. Je sais cependant que des militaires du poste de projecteur de Penguerec y ont participé car je les ai vu en action. Ceux de la batterie de « Roch Glaz » s’y trouvaient aussi. Le responsable serait un lieutenant Muller qui avait autorité sur toutes les formations du secteur de Gouesnou.
Vers 18h une violente fusillade éclate, le son provenait de Penguerec.
Vers 20h les premiers civils s’aventurent sur les lieux. Dans la ferme des Phelep, près du tas de fumier gisaient une quarantaine de cadavres affreusement mutilés. Mme Donou prévient les sœurs qui vont sur place. Voici le témoignage de sœur Paule, 46 ans, infirmière :
Arrivée à Penguerec j’ai constaté qu’un grand nombre de cadavres humains gisaient dans la cour des époux Phelep à proximité du fumier. Les cadavres étaient encore chaux et ils étaient entassés pèle mêle. Ils constituaient un tas d’un mètre de hauteur environ. Je me suis assurée qu’il n’y avait pas de blessés parmi les victimes, pour ce faire j’ai du déplacer les corps. Toutes étaient mortes et portaient d’affreuses blessures, certaines étaient même décapitées, d’autres avaient les membres branlants qui ne tenaient plus que par leurs vêtements, bref en général les cadavres portaient des blessures qui témoignaient que les Allemands s’étaient acharnés sur leurs victimes. A mon avis ces blessures avaient été occasionnées par des grenades.
Dans les jours qui suivirent
Au maquis FFI de Treouergat, la nouvelle ne met pas longtemps à arriver. Dès le 8 ou 9 Août, les maquisards sont au courant. On évoque alors 25 victimes.
Le 20 Aôut 1944, alors que la bataille fait rage les corps des fusillés de Penguerec sont enterrés, sur ordre des allemands par Michel Gélébart et deux de ses employés.
Vers le 26 Août, un capitaine du 2eme Bataillon de Rangers U.S est mis au courant par les FFI de ce massacre, il souhaite s’y rendre en Jeep. L’histoire ne dit pas si il a réussi à s’approcher ou non de Gouesnou.
42 Victimes
En 1994 le site de Penguerec a été réaménagé pour le 50 ème anniversaire du drame.
Liste des victimes
- Pierre GOURMELON – 30 ans
- Paul TREGUER – 17 ans
- Georges TANGUY – 39 ans
- Christophe GOUEZ – 47 ans
- Jean COZIAN – 71 ans
- Hervé LEOST – 32 ans
- René SEGALEN – 19 ans
- François TROADEC – 54 ans
- Jacques LE GOASDUFF – 47 ans
- Etienne BODENES – 53 ans
- Yves LE GUEN – 29 ans
- Jean PERON – 47 ans
- Thomas POUCHIN – 58 ans
- Pierre DENIEL – 26 ans
- Jean MAZEAS – 38 ans
- Jean HABASQUE – 39 ans
- Louis COLIN – 24 ans
- Louise PHELEP – 51 ans
- Jean PHELEP – 54 ans
- Francine PHELEP – 23 ans
- Pierre PHELEP – 22 ans
- Jeanne SEGALEN – 41 ans
- Marie KERBOUL – 16 ans
- Jean GUEGUEN – 47 ans
- Edouard GUILLEMIN – 29 ans
- Noël PONT – 21 ans
- Sébastien LE VEN – 23 ans
- Jean SANQUER – 36 ans
- Eugène PELLEAU – 53 ans
- André SALAUN – 40 ans
- Louis COTTET – 54 ans
- Jean JAOUEN – 21 ans
- Yves LE GUEN – 40 ans
- 9 Victimes inconnues
Sources:
- Wikipedia
- Forum Bretagne Occupation & Libération
- Forum Le Monde en Guerre
- Site FFLSAS
- Mémorial Montbarey: Rapport FAUCHER
- Texte de Kristian Hamon basé sur le rapport SRPJ du 28 Octobre 1948
- Livre Les Parachutistes SAS de la France Libre de David Portier
- Auteur: Alain Floch
- Témoignage: Thérèse Le Floch
- Témoignage: Roger Priol